Il devait être beau, il devait être long et il devait surtout être très vert. C’était le Garden Bridge, le pont jardin, un pont piétonnier sur la Tamise qui aurait du être inauguré en 2018. Un projet de prestige lancé par l’actrice Joanna Lumley et soutenu par l’ancien maire de la capitale, Boris Johnson. Après le London Eye et le Millenium Bridge, ce nouveau pont aurait du attirer des hordes de touristes et rapporter des millions de livres à la ville de Londres.
Après plusieurs révisions des estimations, le coût de construction du pont fut finalement évalué à plus de 200 millions de livres. De riches particuliers furent contactés afin de récolter 140 millions de livres, tandis que 60 millions auraient été investis par le Département des Transports et TfL, le service des transports londoniens. La structure aurait été construite entre les ponts de Waterloo et Blackfriars et aurait relié le toit de Temple station sur Queen’s Walk à Southbank, sur la rive sud de la Tamise.
Le pont de 366 m de long aurait été ouvert aux piétons de 6 heures du matin à minuit. Afin de récupérer une partie de l’investissement colossal, le pont aurait pu être privatisé pour des événements pour la modique somme de 60.000 livres par soirée.
L’architecte paysagiste imagina une composition d’arbres et arbustes, de plantes grimpantes et de couverture, de plantes vivaces, de fougères, d’herbes et de fleurs. 270 jeunes arbres auraient été plantés pour compenser la perte de 28 arbres abattus le long de Southbank pour laisser place à l’ouvrage.
Alors que le gros du financement devait provenir du secteur privé, peu de donateurs se manifestèrent. Selon les termes d’un accord antérieur, la ville de Londres aurait du débourser les 70 millions de livres sterling manquants. Le nouveau maire, Sadiq Khan, n’a cependant pas souhaité exposer le contribuable à un tel investissement et le projet fut officiellement abandonné le 14 août 2017, après des mois d’incertitude.
Le correspondant de BBC Londres, Tom Edwards, décrivit en ces termes la situation: « un gâchis honteux pour la capitale… on cherche déjà à montrer du doigt le coupable du gaspillage de 46,4 millions d’argent public ».
En effet, alors que le Garden Bridge n’a jamais dépassé le stade de projet, 37 millions d’argent public avaient déjà été dépensés. Neuf millions supplémentaires devront encore être déboursés pour couvrir les frais engagés. Le bureau d’architecte, les firmes d’ingénieurs et de nombreux avocats auront tous profité financièrement de ce cuisant échec. La firme Arup par exemple, employée comme consultant, aurait touché au moins 8 millions de livres pour la sélection de l’alliage de la surface du pont.
Aucune trace du solde de 35 millions injectés dans le projet. La fondation Garden Bridge, qui tenait les cordons de la bourse, n’a pas publié de comptes détaillés et comme toute institution caritative, ne peut pas être légalement contrainte de divulguer les montants engagés.
La commission d’enquête qui s’est penchée sur ce désastre financier soupçonne le versement d’acomptes importants aux producteurs des matériaux nécessaires à la construction du pont, comme l’acier et le béton qui auraient du servir aux fondations de la structure sur Southbank. Certains pensent que, quelque part dans un hangar, des parties de pont préfabriquées prennent maintenant de la poussière. Près de 46 millions de livres sterling se sont ainsi volatilisées, ou plutôt, sont tombées à l’eau.
Dans une ville bruyante et animée comme Londres, le Garden Bridge aurait constitué un réel havre de paix et un oasis rafraîchissant. Hélas, même pour planter des arbres, il faut savoir compter…