La Tamise est un fleuve dont le niveau varie considérablement entre les marées (jusqu’à 7 mètres (24ft) de différence). Si vous prenez la direction de la City depuis Putney à bord d’un bateau bus à marée basse, vous constaterez que les berges vous paraîtront particulièrement hautes. Vous pourrez même voir des bateaux comme amarrés dans le vide, notamment des péniches converties en bars-restaurants. Si vous repassez au même endroit à marée haute, ces bateaux seront à flot. Le débit moyen de la Tamise est de 81,7 m³ par seconde (mesuré à Teddington). La marée monte à une vitesse de 3 à 5 kilomètres par heure, jusqu’à 8 au printemps (une résistance dont il faut tenir compte si vous naviguez dans le sens du courant mais contre le cours de la marée). Vous pouvez consulter les horaires des marées sur le site du Port de Londres.
La marée montante présente un risque non négligeable pour les véhicules nonchalamment garés sur les rampes de mise à l’eau (slipways).
En 2015 l’artiste Jason deCayres Taylor a installé quatre sculptures de chevaux dans le fleuve, révélées uniquement à marée basse.
Le fait que la Tamise soit ainsi soumise au cycle des marées influence considérablement la manière dont la navigation y est réglementée. Les opérateurs commerciaux sont soumis à des normes plus sévères entre l’écluse de Teddington et l’embouchure du fleuve, une section appelée Tideway qui requiert une attention de tous les instants, tant les courants maritimes peuvent s’avérer dangereux, notamment à l’approche des ponts et pontons. Une vive agitation qu’accentuent encore les remous des plus gros navires.
Les règles sont plus souples sur la partie non soumise à la marée (en amont de Teddington), davantage réservée à la navigation de plaisance.
La vitesse de navigation est limitée à 8 noeuds en amont du pont de Wandsworth et à 12 noeuds entre le pont de Wandsworth et Margaretness, juste à l’est de London City Airport.
Écumer les berges
À certaines époques de l’histoire, l’amplitude des marées était telle que l’on pouvait semble-t-il traverser le fleuve à pied à marée basse en plein coeur de la capitale, à condition de vouloir braver les pièges de la boue et la pestilence des effluves. En 1858 l’odeur était telle que les sessions du parlement (situé sur la rive gauche de la Tamise) furent suspendues et que l’on décida de résoudre une fois pour toutes le problème de l’évacuation des déchets, jusque là déversés dans le fleuve sans le moindre filtrage. Nous reparlerons de ces grands travaux dans un prochain article.
Aujourd’hui les piétons ne tentent plus la traversée mais, dès que le fleuve se retire, on en voit beaucoup se balader sur les berges, armés d’un détecteur de métal, dans l’espoir de dénicher un petit trésor déposé par le courant. On appelle cela le « mudlarking » (écumer les berges), un hobby qui nécessite de nos jours un permis en bonne et due forme (£75 par an).
Le mudlarking est pour certains une véritable passion, ponctuée d’instants romantiques et d’autres plus tragiques, comme le raconte Lara Maiklem, une adepte de la discipline depuis une vingtaine d’années:
« La découverte de marques d’affection est une expérience particulièrement intense. Au 17ème siècle, au lieu d’une bague, les amoureux pliaient une pièce en argent de 6 pences qu’ils remettaient à leur dulcinée. Si l’amour était réciproque, la jeune femme conservait ce présent. Sinon il finissait dans la rivière. Des alliances sont encore de nos jours régulièrement retrouvées sur le rivage, ce qui laisse penser que la Tamise reste le réceptacle des coeurs brisés, des rêves mais aussi de l’ultime désespoir: le suicide. Je n’oublierai jamais ce jeune homme que j’ai aperçu échoué sur le rivage il y a quelques mois… »