Chaussés de bottes en caoutchouc, munis de gants et parfois même de détecteurs de métal, de curieux explorateurs s’aventurent sur les rives de la Tamise. Quand l’eau se retire à marée basse, deux fois par jour, le plus grand site archéologique du Royaume-Uni se révèle à celles et ceux qui rêvent depuis leur plus tendre enfance de mettre la main sur un trésor, aussi infime soit-il. Les berges regorgent de milliers d’objets perdus, jetés ou simplement charriés puis déposés par le va-et-vient incessant des marées, depuis des temps immémoriaux.
Le mudlarking, terme anglais pour l’écumage des berges, fut à l’époque victorienne un véritable gagne-pain. Au 19e siècle, c’était par nécessité que les plus démunis s’aventuraient le long de la Tamise à la recherche d’objets de valeur. Londres était la porte de l’Empire et chaque jour des centaines de navires venus des quatre coins du globe accostaient dans le port de la métropole, les cales remplies de produits exotiques en provenance des colonies. Des enfants – surtout des garçons – et des personnes âgées grattaient la boue malodorante à mains nues dans l’espoir de trouver l’un ou l’autre bien à revendre ou à échanger contre de la nourriture. Cette profession fut reconnue officiellement jusqu’au début du 20ème siècle.
De nos jours, le mudlarking est devenu un hobby pour de nombreux Londoniens férus d’Histoire. Ces chercheurs de trésors des temps modernes contribuent méthodiquement aux fouilles archéologiques de la cité. Ils sont surtout intéressés par les objets révélateurs du quotidien de nos aïeux, comme les pièces de monnaie, les boutons ou les tessons de vaisselle. Chaque trouvaille offre un regard précieux sur la vie que menaient les Londoniens du temps jadis. Parmi les découvertes les plus fréquentes des adeptes du mudlarking figurent de curieux bâtonnets blancs. Ce sont les tiges de pipes en terre cuite, que l’on jetait à l’époque après usage, tout comme les fumeurs d’aujourd’hui se débarrassent nonchalamment de leurs mégots. C’est surtout la petite taille des têtes et fourneaux de pipes qui interpelle les historiens amateurs. C’est aux alentours de 1580 que le tabac fut introduit en Angleterre en provenance des Amériques. Ce produit était à l’origine rare et cher, les premières pipes étaient donc minuscules.
Les plus chanceux auront le plaisir d’extraire de la boue des objets plus rares, comme de petites oeuvres d’art en or massif ou des sculptures venues d’Asie. Plus ou moins 140 objets retrouvés dans la Tamise sont désormais visibles en ligne via le site du Musée de la Tamise (www.thamesmuseum.org). Le Musée de Londres propose également une collection très intéressante d’objets retrouvés au gré des marées.
Voici le récit filmé d’une séance de mudlarking à Wapping (Execution dock).
Pour éviter que les Londoniens ne creusent les berges de la Tamise à coups de pelle et afin de protéger le patrimoine historique, l’Autorité du Port de Londres (PLA) a introduit une réglementation spécialement dédiée à l’exercice du mudlarking.
Il existe deux types de permis. Le permis standard vous donne le droit de creuser jusqu’à une profondeur de 7,5 cm. Le permis mudlark permet quant à lui une recherche plus poussée, jusqu’à 1,20m et vous donne accès à des zones interdites au premier type de permis. Avant de pouvoir prétendre au permis mudlark, vous devez avoir été titulaire du permis standard pendant au moins 2 ans et avoir ouvert un dossier auprès du Musée de Londres. Toute découverte doit en effet être signalée auprès des autorités. Un adulte sera facturé £75 pour une période de 3 ans, alors que les juniors paieront £37. Si jamais vous voulez passer une journée en famille à la recherche de trésors enfouis dans la boue, vous pouvez aussi introduire une demande pour un jour particulier, ce qui vous reviendra à £32.
Pour toute information, consultez le site web de PLA.
Merci à Elise pour la co-rédaction de cet article.