Vers la fin du 18e siècle, l’Angleterre connaissait deux systèmes pénitentiaires.
Le premier organisait le châtiment des sans-emplois et des ouvriers ambulants dans des maisons de correction élisabéthaines situées en dehors de la capitale.
Le second gérait l’incarcération au coeur même de la cité. Newgate était alors la prison la plus importante intra muros et, à partir de 1783, ce fut également l’endroit où se tenaient les pendaisons publiques. Avant cela, les condamnés à mort étaient pendus à Tyburn, non loin de la localisation actuelle de Marble Arch.
Le bagne américain
Comme la population carcérale ne cessait de croître, les autorités commencèrent à envoyer au bagne le surplus de condamnés. Au début c’est en Amérique du Nord qu’ils furent exilés, pendant 7 ans pour des infractions mineures et à vie pour les condamnés à mort. Cette destination coloniale dut être abandonnée lors la Révolution américaine (1775-1783).
Une véritable crise de capacité frappa alors le monde pénitentiaire. Jusqu’à 1000 nouvelles places étaient nécessaires chaque année, bien trop pour l’infrastructure en place. Au lieu de construire de nouvelles prisons, le gouvernement se lança à la recherche de nouvelles destinations pour les condamnés.
Direction l’Australie
En janvier 1787 on décida d’envoyer les prisonniers vers le New South Wales en Australie. Près de 160.000 hommes, femmes et enfants furent ainsi envoyés aux antipodes.
Épaves pénitentiaires
Une autre solution contre le surpeuplement des prisons fut l’emprisonnement des condamnés sur la Tamise, dans les épaves de vieux navires de guerre désarmés: les pontons. Certains purgèrent toute leur peine sur ces carcasses de navires tandis que d’autres y furent incarcérés en attendant l’exil. Prévues à l’origine comme simples solutions temporaires, ces prisons de fortune perdurèrent pendant quatre-vingt longues années. Les premières épaves pénitentiaires furent amarrées sur la Tamise non loin de Woolwich, dans l’est de Londres.
Travaux forcés
Alors que le transport des prisonniers vers l’Amérique et l’Australie coûtait au final très peu à la Couronne, leur logement sur ces pontons s’avérait particulièrement onéreux. Afin de couvrir les frais, les autorités introduisirent les travaux forcés et les prisonniers furent mis à contribution dans le développement de la Tamise. Ils assurèrent par exemple les travaux de dragage, nécessaires pour garantir le passage des navires. Les détenus furent également réquisitionnés pour l’expansion de l’arsenal de Woolwich et des quais avoisinants. D’autres devaient enfoncer des piliers dans la vase afin de protéger les berges contre l’érosion.
Les conditions de vie à bord de ces épaves pénitentiaires étaient effroyables. Un manque total d’hygiène était source constante d’infections. Les malades ne recevaient pour ainsi dire aucun traitement et n’étaient pas mis en quarantaine. Le typhus, la dysenterie et d’autres épidémies étaient monnaie courante. Le taux de mortalité sur ces épaves était d’environ 30%. Entre 1776 et 1795, 2000 détenus perdirent la vie dans les prisons de la Tamise.
Lors des fortes chaleurs d’été, une odeur répugnante se dégageait ce ces geôles flottantes, véritables bidonvilles à quelques encablures du rivage.
Ce n’est qu’en 1779 qu’un certain John Howard commença à s’insurger contre l’utilisation de ces pontons. Il était en faveur de grandes prisons ouvertes où les prisonniers pourraient être mis au travail mais bénéficieraient d’une cellule individuelle. C’est ainsi qu’après des années de lobbying, la prison de Millbank fut construite en 1816. L’incendie du ponton Defense en 1857 au large de Woolwich marqua la fin de cette pratique carcérale.